L'Italien releva la tête de sa valise pour fixer son oncle, à bout de souffle dans l'encadrement de la porte de son appartement. Il n'aurait aucun problème à l'écarter de son chemin s'il le décidait, mais il se décida à écouter ce qu'avait à dire son aïeul. De toutes manières, ils ne changeraient pas d'avis. Autant l'un que l'autre. Les bras croisés, et ce petit air arrogant qui lui allait si bien au visage, il se tut et regarda l'homme qui l'avait élevé reprendre sa respiration.

C'était vrai ça, Phil l'avait élevé. Il avait élevé ce pauvre gosse qui s'était retrouvé seul, abandonné, vers ses dix ans, et dont personne ne voulait. Le minimum était au moins de feinter d'être intéressé.

Jack avait roulé des yeux en soupirant. Tout le monde autours de lui cherchait à éviter ce sujet. Le prenaient-il toujours pour ce même petit garçon ? Dissimulant mal son énervement, il ferma sa valise avec hâte. Il n'y avait que ses vêtements dedans, rien qui puisse lui rappeler sa vie antérieure sur laquelle il comptait tirer une croix définitive.
Un regard suffit à écarter le quadragénaire. Le jeune homme sortit de son appartement sans un mot, sans un regard. Le trajet en taxi vers l'aéroport lui sembla interminable. Et il se sentait tellement mal d'abandonner sa "famille" … Gros soupir. Une fois dans l'avion en destination de Londres, il tomba de sommeil, extenué.


Jack était installé depuis quelques mois à Londres, pas assez longtemps pour se faire des amis mais assez pour savoir où fêter son anniversaire en bonne compagnie. À un jour de décalage, cependant, il travaillait tard la veille.
L'homme s'était réveillé assis contre une sorte de buisson. Un bien beau buisson, d'ailleurs. Taillé à tel point qu'aucune feuille ne dépassait. Il était littéralement encerclé de verdure, se relevant avec difficulté avant de faire un tour sur lui-même. Un petit chemin de terre battue se dressait devant lui, ainsi qu'à sa droite et à sa gauche. Instinctivement, en tant que gaucher, il prit donc ce dernier avec aplomb, marchant rapidement malgré son mal de tête. Qu'avait-il bien put faire la veille pour se retrouver dans la nature, sans la moindre idée de ce qu'il s'était passé ? Ça ressemblait à un scénario de film.
Le métisse marcha, marcha pendant ce qui lui semblait être des heures. Soudain, la silhouette de ce qui semblait être un … Un manoir ? Il se frotta les yeux et se secoua la tête avec vigueur. Non, il ne rêvait pas, et sa gueule de bois était encore plus atroce.

Sa voix suave, à l'accent partagé entre l'Amérique et l'Italie, avait résonné si soudainement qu'il entendit des oiseaux s'envoler en piaillant, effrayés.
Le soleil, caché derrière le toit de l'immense bâtisse, lui servit de repère pour le reste du trajet. Quelques minutes plus tard, il débarqua dans une sorte de cours, où il pouvait voir plusieurs personnes s'affairer, rentrer et sortir par de grandes portes … Tout était gigantesque ici. D'un coup, il se retourna pour regarder la forêt derrière lui soupirant. Elle s'étendait sur des kilomètres à la ronde, jamais il ne pourrait sortir d'ici.

Lui qui s'attendait à un dépaysement était servi. Peut-être même un peu trop.